samedi 7 décembre 2002

[Archives du réseau Encore féministes !] Commémoration 2002

Le 6 décembre 2002, des féministes ont commémoré à Paris, comme à Montréal et dans d’autres villes, le massacre machiste de la Polytechnique à Montréal. Quatorze femmes ont été assassinées le 6 décembre 1989, parce qu’elles étaient femmes, parce qu’elles étaient dans une école scientifique, parce qu’elles se sont trouvées sur le chemin du meurtrier, un homme qui a crié : « Je hais les féministes » avant de tirer sur elles.
La cérémonie a eu lieu place du Québec, à Paris, en présence de M. Clément Duhaime, Délégué général du Québec en France.
Étaient présentes, par un froid quasi québécois, une cinquantaine de personnes, membres du réseau "Encore féministes !", avec leur banderole et leur ruban blanc. Elles ont chanté l’Hymne des femmes. Elles ont salué la mémoire des quatorze femmes assassinées, en déposant une rose blanche à l’appel du nom de chacune des victimes. Puis M. le Délégué général du Québec a déposé une quinzième rose au nom de son gouvernement.
Florence Montreynaud a rappelé qu’en 1886 à Paris des étudiants en médecine ont brûlé en effigie les deux premières femmes reçues à l’internat de médecine, Augusta Klumpke et Blanche Edwards, et que dans le monde les deux tiers des analphabètes sont des femmes et des filles. Ici ou ailleurs, hier ou aujourd’hui, des machistes s’opposent par la violence à l’accès des femmes à l’instruction et donc au pouvoir.
Chaque année, des féministes commémorent ce massacre pour qu’on n’oublie pas ces jeunes femmes, qui auraient aujourd’hui trente-trois ans. Pour qu’on garde vivante leur mémoire, pour qu’on pense aux millions de femmes dans le monde, violentées, torturées, assassinées parce qu’elles sont des femmes. Pour qu’on résiste au machisme.
Ensuite, neuf féministes ont donné un spectacle mis en scène et chorégraphié par Hélène Marquié sur un texte collectif : il désigne en l’assassin de la Polytechnique le porteur de cette violence machiste qui tue partout dans le monde, qui a tué dernièrement la jeune Sohane, brûlée vive à Vitry-sur-Seine. Elles ont dit leur refus de cette haine et de cette violence contre les femmes. Hélène Marquié a dansé pour exprimer le rejet de cette violence.
Levant les mains au-dessus de leur tête, les participantes ont formé, en joignant leurs pouces et leurs index, la figure en losange représentant le féminin et devenue partout dans le monde le symbole des luttes et de la solidarité féministes.

Le réseau "Encore féministes !" demande qu’une plaque soit fixée sur le sol de la place du Québec, au pied du monument avec une inscription, par exemple :
<< Ici, chaque année, le 6 décembre, des féministes commémorent un massacre machiste devenu le symbole des violences contre les femmes. Il eut lieu le 6 décembre 1989, à l’École Polytechnique de Montréal. Un homme armé d’un fusil entra dans une salle de cours, fit sortir les hommes, cria : « Je hais les féministes » et tira, tuant quatorze femmes.
« Le féminisme n’a jamais tué personne. Le machisme tue tous les jours. » Benoîte Groult >>
Nous demandons à la mairie de Paris de faire réaliser cette plaque que nous souhaitons voir dévoilée solennellement le 6 décembre 2003.

tract distribué
Quatorze femmes ont été assassinées le 6 décembre 1989 à Montréal par un homme qui avait crié :
« Je hais les féministes. »

Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara Maria Kluznick, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St-Arneault et Annie Turcotte.

Aujourd’hui, 6 décembre 2002, nous, féministes de tous les pays, nous portons leur deuil et nous honorons leur mémoire.

vendredi 6 décembre 2002

[Archives du réseau Encore féministes !] Hymne des femmes chanté chaque 6 décembre depuis 2002

 HYMNE DES FEMMES
(Sur l'air du Chant des marais, paroles des Petites Marguerites, 1971)

Nous qui sommes sans passé, les femmes
Nous qui n'avons pas d'histoire
Depuis la nuit des temps, les femmes
Nous sommes le continent noir

Refrain : Levons-nous, femmes esclaves
Et brisons nos entraves
Debout ! Debout ! Debout !

Asservies, humiliées, les femmes
Achetées, vendues, violées
Dans toutes les maisons, les femmes
Hors du monde reléguées

Seules dans notre malheur, les femmes
L'une de l'autre ignorées
lls nous ont divisées, les femmes
Et de nos sœurs séparées

Reconnaissons-nous, les femmes
Parlons-nous, regardons-nous
Ensemble on nous opprime, les femmes
Ensemble révoltons-nous

Le temps de la colère, les femmes
Notre temps est arrivé
Connaissons notre force, les femmes
Découvrons-nous des milliers

[Archives du réseau Encore féministes !] Performance lors de la comméoration du 6 décembre 2002

TEXTE DU SPECTACLE

Ce texte est une parole collective. Il a été composé par les interprètes de la performance, en empruntant aux textes et aux télégrammes écrits par des groupes de femmes à la suite du massacre du 6 décembre 1989, et publiés notamment dans la revue Amazones d'hier, lesbiennes d'aujourd'hui (A.H.L.A.) n°21, mars 1990.

Mercredi noir

Mercredi noir à Montréal. Dans l'après-midi du 6 décembre 1989, un homme armé d'un fusil a tué 14 femmes dans les locaux de l'École polytechnique.
14 femmes sont mortes, pour cause d'être femmes.
14 femmes sont mortes, par haine des féministes.
14 femmes sont mortes, par haine ordinaire des femmes.
Des millions de femmes meurent par haine ordinaire des femmes.
Non, il ne s'agit pas d'un fait divers.
Non, il ne s'agit pas d'un coup de folie.
Non, il ne s'agit pas d'une violence propre à un certain type de société.
Non, il ne s'agit pas de l'acte désespéré d'un marginal au chômage.
Ces femmes ont été tuées parce qu'elles étaient des femmes.
Il s'agit bien d'un crime politique contre les femmes.
Cet acte est l'aboutissement logique d'une idéologie qui se sent menacée par toute avancée des femmes.
Cet acte est l'aboutissement logique d'une idéologie qui utilise la violence quotidienne contre les femmes pour se maintenir et se reproduire.
Marc Lépine n'était pas un psychopathe.
Marc Lépine n'était pas un fou.
Marc Lépine n'était pas un malade.
Il était simplement misogyne. Il avait simplement la haine des femmes.
Marc Lépine n'est pas un cas isolé.
Sa seule folie est d'avoir fait publiquement ce qui n'est toléré qu'en privé.
Il est l'homme qui ne veut pas nous respecter,
Il est l'homme qui violente sa femme,
Il est l'homme qui …
… Il est l'homme qui …… Il est l'homme qui… Il est l'homme qui… Il est l'homme qui… Il est l'homme qui… l'homme qui… l'homme qui
Il est l'homme qui a brûlé une jeune fille à Vitry-sur-Seine en France, en octobre 2002
Marc Lépine a dit : "J'haïs les féministes". Il a dit : "Je hais les féministes" "Je hais les féministes"
C'est pour cette raison qu'il a tué 14 femmes.
Son geste était motivé et prémédité.
C'était un geste politique.
C'était un crime politique.
C'est un crime politique contre toutes les femmes.
L'événement du 6 décembre 1989 n'est pas isolé.
Ce n'est pas la première fois que des femmes sont tuées par des hommes.
Chaque jour, des femmes sont tuées physiquement et détruites mentalement.
Tuer les femmes une à une ou collectivement, ça revient au même.
Ce crime est un crime politique.
Ce crime n'est pas un acte isolé.
Ce crime s'inscrit dans une logique de répression.

Depuis des millénaires les femmes sont harcelées, battues, violées, vitriolées, torturées, excisées, noyées, prostituées, brûlées, lapidées, tuées, parce qu'elles sont des femmes.
Depuis des millénaires les femmes sont harcelées, battues, violées, vitriolées, torturées, excisées, noyées, prostituées, brûlées, lapidées, tuées, parce qu'elles sont des femmes.
Nous sommes toutes des cibles.
La haine contre les femmes est insupportable, intolérable, inacceptable.
Nous la refusons et nous la combattons
Nous la refuserons et nous la combattrons
Nous la refuserons et nous la combattrons

Mercredi noir à Montréal.
Tous les jours sont noirs pour trop de femmes.

***
Performance du 6 décembre 2002
Mise en scène et chorégraphie : Hélène MARQUIÉ
Interprètes : Soraya BELAROUSSI, Jacqueline BELTRANDO, Marie-Christine BODY, Marie-Thérèse BODY, Annick BOISSET, Nathalie LAMOUCHE, Hélène MARQUIÉ, Monique SUREL-TURPIN

Chant : Les VOIX REBELLES
Accordéon : Raphaëlle LEGRAND

[Archves du réseau Encore féministes !] Discours de Florence Montreynaud le 6 décembre 2002

Chaque année, le réseau « Encore féministes ! » commémore le massacre antiféministe de la Polytechnique en organisant le 6 décembre, à 19h, un rassemblement, place du Québec, à Paris.

Le 6 décembre 1989, un homme, Marc Lépine, armé d’un fusil-mitrailleur, entra dans l'École Polytechnique de Montréal, pénétra dans une salle de cours, fit sortir les hommes, et hurla : « Je hais les féministes ». Puis il tira. Il tua quatorze femmes, treize étudiantes et une employée, puis il se suicida. On trouva sur lui un tract antiféministe et une liste de femmes connues qu’il voulait aussi assassiner.

Le choc fut terrible à travers l’Amérique du Nord et fit prendre mieux conscience de l’ampleur de la violence contre les femmes. Les 6 et 7 décembre 1989, à travers le Canada, plusieurs groupes de femmes organisèrent des veillées funèbres (à Paris, des féministes se rassemblèrent devant la Sorbonne). Certaines portaient un ruban blanc.

En Europe, on connaît le ruban rouge, lié à la lutte contre le sida. En Amérique du nord, il est courant d’arborer un ruban de ce type : il symbolise un engagement, et sa couleur permet de savoir duquel il s’agit. Le nôtre est blanc, parce que le blanc est un symbole universel de paix. Il signifie : « Je suis engagé-e contre la violence machiste. »

On parle souvent de « guerre des sexes », sans connaître l’origine de cette expression. Nul-le ne sait qui a déclaré cette prétendue guerre, mais les faits sont là : la quasi totalité des victimes en sont des femmes.
Ça suffit ! Il y a eu trop de violences, trop d’injustices. Trop de femmes assassinées, blessées, violées, excisées, torturées, prostituées, avilies, humiliées, et pourquoi ? Parce qu’elles sont du « mauvais » sexe, le deuxième !
Le ruban blanc que nous portons est un signe de reconnaissance des personnes engagées pour la paix entre êtres humains, hommes et femmes.
Ce ruban est très solide. Il fera le tour du monde.

Florence Montreynaud